mercoledì 20 dicembre 2017

« Gustave Samazeuilh »

Gustave Samazeuilh
(Bordeaux, le 2 juin 1877 – Paris, le 4 août 1967)

Extrait de La musique française de piano, par Alfred Cortot


Avec le Chant de la Mer de Gustave Samazeuilh, à l’analyse duquel se verra consacrée la suite de ces remarques, le problème de la traduction instrumentale demeure tout aussi ardu, mais il se voit situé sur un plan imaginatif de nature à en faciliter quelque peu la solution. 

Composé en 1918-1918 sur la côte basque – soit dans le même temps que les Variations de Pierné – ce triptyque sonore interroge en effet un domaine de sensations déterminées qui trouve dans l’emploi de certains artifices pianistique que l’on pourrait dire spécifiques à l’instrument, les éléments d’une représentation sonore naturellement suggestive.

Et, pou y jouer un rôle capital, la virtuosité s’y voit moins requise pour elle-même, comme c’est le cas pour les Variations où elle détient un privilège décoratif indispensable à l’économie musicale du morceau, que par rapport aux impressions poétiques qu’elle est chargée d’évoquer pour l’auditeur. Celui-ci, au reste, a pu, en quelques occasions, prendre connaissance des intentions de l’auteur concernant la nature des visions ou des sentiments dont ce vaste « poème symphonique » pour piano reflète les aspects ou les tendances.

Voici, extrait d’une notice dont la publication a quelquefois servi dans les programmes à favoriser l’intelligence de l’œuvre, un résumé de son postulat idéologique :
« La première partie : Prélude, décrit un Océan majestueux, paisible et comme énigmatique. La seconde : Clair de lune au large, expose, indépendamment des thèmes de sérénité nocturne, un thème d’émotion humaine qui, au cours du morceau final, longuement développé, prend peu à peu toute sa signification expressive et se combine aux idées de caractère évocateur qu’indique le titre : Tempête et lever du jour sur les flots ».

Rien, comme on le voit dans cet argument volontairement indéfini, qui puisse faire conclure à un recours au genre « musique imitative » et encore moins « musique anecdotique ».

Il s’y agit bien davantage d’un choix de climat sonore justifiant les échanges ou les contrastes de deux thèmes essentiels dont les transformation animeront l’œuvre tout entière ; l’un que l’on pourrait dénommer « thème de nature » et l’autre « thème humain ». Ce sont là les caractéristiques d’une musique véritablement « expressive » et dont les valeurs poétiques – au sens où les peintres emploient le terme de valeur – sont dépendantes d’un sentiment à traduire et non d’un spectacle à représenter.

C’est au reste le penchant auquel obéira d’une manière générale la production de Samazeuilh, et des exemples convaincants nous en seraient fournis par la lecture des autre éléments de son apport à la littérature du clavier. L’inventaire de celui-ci ne nécessitera, et bien à regret de notre part en considération des mérites qui s’y voient témoignés et en font souhaiter l’extension prochaine, que quelque lignes de sommaire énumération.

On y rencontre, dans l’ordre chronologique, une Suite en sol, datée de 1902, interprétée par Risler à la Société Nationale en 1903 – le même soir que les Variations de Paul Dukas, dont c’était également la première audition – retouchée et rééditée sous sa nouvelle forme en 1911.

Six morceaux le composent : Prélude, Française, Sarabande, Divertissement, Musette et Forlane. Écrite dans le goût et selon la formule déjà employée par Ernest Chausson dans ses Quelques Danses et dans un semblable esprit de modernisation des rythmes d’autrefois, elle dénote encore avec évidence l’influence de la Schola, arrivée cependant dans son comportement quelque peu traditionnel par des traits d’indiscutable et savoureuse originalité. De la même époque et implicitement soumise à la même influence, une série de Trois Petites Inventions à deux, trois et quatre voix, dont on appréciera l’ingéniosité d’écriture, et la Chanson à ma Poupée, primitivement destinée à l’Album des Enfants petits et grands dû à la collaboration des principaux élèves de Vincent d’Indy, les dédicaces de ces deux œuvres « à Claude et à Alyette S… » leur assignant une tendre intention paternelle.

Puis, et complètement libérée des préceptes de la rue Saint-Jacques, une sensible et rêveuse évocation vespérale, intitulée Naïades au Soir, dont j’eus l’amical privilège d’assurer la révélation à la Société Nationale en 1911 et qui offre cette particularité de préfigurer à la fois, dans l’entrelac de ses harmonies raffinées, le motif de la Danse de la Péri de Paul Dukas et le thème des Nymphes de Daphnis et Chloé, de Maurice Ravel.

Puis encore, une vivante adaptation de la pittoresque Sérénade pour guitare, dédiée à Segovia, datée de 1925, et enfin un Nocturne à la mémoire de Gabriel Fauré, édité en 1938, réplique librement traitée du poème pour orchestre qui, sous la dénomination de Nuit, s’est assuré à maintes reprises la faveur décidée du public et de la critique et dont la tendance imaginative se rattache par certaines côtés à celle du Chant de la Mer, traduisant de même un sentiment humain qui s’exprime, s’exalte et s’apaise dans la sérénité nocturne, laquelle n’est pas ici le tableau, mais le cadre.

Si, comme on le voit, la contribution pianistique originale de Samazeuilh s’avère encore d’une exceptionnelle abondance dans le domaine de la transcription à quoi se rattachent incidemment – auteur et adapteur confondus ici en une seule personne – les deux dernières pièces mentionnées au paragraphe précédent.

De Chabrier à Debussy, en passant par Chausson, d’Indy, Lekeu, Paul Dukas et tant d’autres, il est en effet peu d’œuvres orchestrales marquantes contemporaines qui n’aient retenu l’attention de Samazeuilh en vue de leur appropriation aux diverses modalités de l’exécution pianistique : piano seul, piano à quatre mains et deux pianos.

Envisageant sommairement l’ensemble de ces utiles travaux de diffusion, on peut évaluer leur nombre à environ quatre-vingt, portant sur vingt-cinq auteurs différents. Et leur traducteur ne s’es pas seulement satisfait d’élire, pour les rendre plus familiers par une rédaction qui les met ainsi à la portée du plus grand nombre, les musiciens qui honorent si grandement notre école nationale. Il s’y est également employé, par une experte industrie, à les faire bénéficier de toutes le équivalences instrumentales qui permettent au mieux de suggérer les timbre de la symphonie.

On peut donc, a priori, et fort de ces antécédentes, se voir assuré de la qualité du procédé d’ordre matériel auquel s’est conformée la rédaction du Chant de la Mer, représentant jusqu’à présent l’exemple le plus significatif de la participation de Samazeuilh au répertoire de la virtuosité transcendante.  

Les commentaires qui lui sont consacrés dans les pages suivantes n’ont pour but que d’en définir les particularités caractéristiques, fût-ce au prix d’un dépassement involontaire des limites assignées par l’auteur aux tendances suggestives de son œuvre.

Mais, je connais d’assez longue date le sentiment compréhensif qu’il professe à l’endroit des prérogatives imaginatives des interprètes, particulièrement soucieux de pénétrer les mobiles secrets d’une inspiration musicale, pour me supposer, par anticipation, nanti de son tacite assentiment.

[…]



Alfred Cortot
(Nyon, le 26 septembre 1877 – Lausanne, le 15 juin 1962)

Alfred Cortot, La musique française de piano, Presses Universitaires de France, Paris 1981, « En marge de deux œuvres pianistique contemporaines :  Variations : Gabriel Pierné. Le Chant de la Mer : Gustave Samazeuilh»,  pp. 748-753